Essais & idées

Senior, c’est un métier

Publié le : 10/02/2021

La fin de la vie active ne doit pas signer la fin de l’activité : pour vieillir en forme, il est indispensable de garder des activités physiques, des stimulations intellectuelles et des interactions sociales. Mais il est aussi précieux de se sentir utile : c’est pourquoi plus de la moitié des retraités s’engagent dans des activités bénévoles.

Il y a d’abord eu La voyageuse de nuit, de Laure Adler : 100 000 exemplaires vendus depuis la rentrée. Puis … Mais la vie continue, de Bernard Pivot : le succès surprise de ce début d’année.

Ces deux regards sur le temps qui passe ont fait un tabac en librairie. Ils expriment notamment l’idée que vieillir s’apprend et se travaille au jour le jour. « Ne jamais se plaindre, être de bonne humeur, entretenir la curiosité, ne pas s’isoler, ajouter quelque chose à sa vie, rêver et profiter des avantages de la vieillesse », conseille Bernard Pivot, qui n’a réellement commencé à sentir le poids de l’âge que le jour de ses 80 ans.

« 80 ans, c’est précisément l’âge moyen d’entrée en dépendance, commente Françoise Forette, professeure en gériatrie et auteure de J’ai choisi de bien vieillir. Mais cela n’a rien d’inéluctable, ajoute-t-elle aussitôt. Regardez Clint Eastwood : à 90 ans, il travaille sur son prochain film. Et des Clint Eastwood, il y en a plein les rues, puisque la dépendance ne concerne que 40 % des personnes âgées de 90 ans et plus. »

Pour rester en forme, il est primordial de conserver « une activité physique, qui prévient les maladies cardiovasculaires, et des stimulations sociales pour améliorer les fonctions cognitives, poursuit Françoise Forette. Les résultats, en termes d’allongement de la vie et d’amélioration de l’estime de soi, sont confondants. »

Prendre soin de soi toute sa vie

Gériatre, Nicole Mourain-Jacquin insiste quant à elle sur la prévention : « Il faut bien entendu prendre soin de soi toute sa vie, estime-t-elle. Mais dès l’âge de 45 ans, il faut avoir une vraie stratégie de prévention, avec un suivi médical régulier, une bonne alimentation, de l’activité physique… et le goût du plaisir ! Le bonheur libère de la dopamine, des endorphines, de l’ocytocine et de la sérotonine : ces quatre hormones sont excellentes pour la santé et la longévité. »

Chacun trouve bien entendu son plaisir où il veut : dans le sport, la culture, les voyages, la famille, l’amitié… « Mais j’ai remarqué qu’on vieillit toujours mieux quand on s’intéresse aux autres », ajoute Nicole Mourain-Jacquin, qui a également observé, dans sa pratique professionnelle, que les femmes sont souvent mieux armées pour trouver de nouveaux ressorts vitaux : « Les hommes ont davantage tendance à surinvestir leur vie professionnelle et vivent la retraite comme un saut dans le vide. »

De fait, la transition est particulièrement difficile à vivre pour les personnes qui ont eu une vie professionnelle intense.

Mais pas seulement : « Les ouvriers ou les employés, qui ont eu un travail leur accordant peu d’autonomie et d’initiatives, peuvent également avoir du mal à prendre leur nouvelle vie en main », observe Thierry Roussel, cofondateur de Direct Energie et entrepreneur.

Toute une vie à réinventer

La retraite, c’est toute une vie à réinventer. Y compris quand on est en pleine forme, comme Bénédicte Chanellière, qui vient de fêter ses 60 ans : « J’ai toujours été très engagée dans mon travail aux ressources humaines de Sanofi. Mais le jour où j’ai eu l’occasion de partir dans le cadre d’un plan de départs volontaires, je l’ai fait : j’avais vraiment envie de changer de rythme. »

Son planning reste toutefois chargé, entre les cours d’anglais qu’elle a souhaité poursuivre et la philosophie qu’elle découvre, la lecture à haute dose, la gym et la marche nordique, le mercredi avec deux de ses quatre petits-enfants, et un après-midi par semaine avec sa mère. « Je l’aide à faire la comptabilité d’une association dont elle s’occupe, c’est génial de se retrouver autour d’une activité commune ! »

Elle a aussi trouvé le temps de s’engager sur une liste aux dernières élections municipales : « Nous n’avons pas passé le premier tour mais cette expérience m’a donné le goût de l’engagement local. Aujourd’hui, je représente la société civile à la commission Social et solidarité de ma ville. J’assiste aux débats en simple observatrice, mais je trouve cela passionnant. Et cela permet de me rendre utile, notamment en période de confinement. »

Se rendre utile est un moteur important pour les retraités

« Deux millions de bénévoles réguliers font vivre le tissu associatif français », observe Laurence Drake, déléguée générale de la Fondation agir contre l’exclusion (Face). Parmi eux, les seniors sont très présents, puisque la moitié des responsables associatifs sont retraités.

« Des étapes essentielles de l’accompagnement vers l’insertion tiennent grâce à cet engagement des seniors », poursuit Laurence Drake, qui plaide pour une meilleure structuration de ces activités.

« Le monde associatif devrait mieux encadrer, former et valoriser l’engagement de ces bénévoles, explique-t-elle. Il devrait également clarifier ses besoins pour recruter les compétences adaptées. De leur côté, les seniors peuvent également consulter les missions que les associations postent sur des portails d’engagements citoyens. »

Tout le monde a à y gagner : la société civile, dont les besoins en termes d’engagement vont croissant. Mais aussi les seniors, qui peuvent s’épanouir dans ces activités. « Le pire, pour les personnes âgées, c’est de se sentir inutiles », estime Françoise Forette.

Cela transparaît dans les résultats du Baromètre Landoy : « La pratique du bénévolat augmente avec l’âge », constate Jérôme Fourquet, directeur du département Opinion de l’Ifop. Elle est, en toute logique, nettement plus répandue chez les retraités (52 % ont une activité bénévole) que chez les actifs (21 %). « Mais elle est aussi corrélée au niveau de bonheur ressenti », poursuit Jérôme Fourquet.

48 % des seniors se déclarant « très heureux » ont une activité bénévole contre seulement 28 % des seniors se disant « malheureux » ou « très malheureux ».

Difficile de savoir si le bonheur est la cause ou la conséquence de cet engagement. Mais le lien est réel.

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