La rentrée politique et sociale s’annonce tumultueuse. Entre vote de confiance, réformes en attente puis vote des budgets, difficile de s’y retrouver. Mais dans cette agitation, une mesure a déjà pris effet au 1er septembre : l’élargissement de la retraite progressive. Désormais, les salariés pourront y accéder dès 60 ans, contre 62 auparavant. Explications.
La retraite progressive, qu’est-ce que c’est ?
Le principe est simple : un salarié de plus de 60 ans peut réduire son activité en passant à temps partiel, tout en percevant simultanément une fraction de sa pension de retraite. Autrement dit, il « lève le pied » progressivement, sans rompre brutalement avec le monde du travail.
Le dispositif n’est pas nouveau : il existe depuis 1988 et portait le nom de préretraite progressive, mais il est longtemps resté peu utilisé. Seules 17 700 retraites progressives ont été déclenchées en 2024 par le régime général, soit à peine 2 % des retraites attribuées cette année-là. Malgré une hausse de 32 % par rapport à 2023, il reste peu activé, souvent par méconnaissance.
Jusqu’ici, il fallait avoir atteint l’âge légal moins deux ans pour y avoir droit : 62 ans avant la réforme de 2023, 64 ans désormais. Le nouveau décret, issu de l’accord national interprofessionnel (ANI) signé en novembre 2024, abaisse ce seuil à 60 ans. Une manière de redonner corps, sous une autre forme, à ce symbole que représentait le départ à la retraite à 60 ans.
Une mesure adaptée à l’allongement des carrières
Pourquoi cette évolution ? Parce que les carrières s’allongent et que la transition vers la retraite devient plus complexe. L’âge légal est désormais fixé à 64 ans pour les générations nées à partir de 1968, et la durée de cotisation nécessaire pour partir à taux plein continue elle d’augmenter au fil des ans. La mesure s’explique par la volonté d’adoucir la cassure brusque entre activité et retraite.
Dans ce contexte, la retraite progressive permet d’aménager la fin de carrière, de limiter l’usure professionnelle, et de rester dans l’emploi tout en commençant à bénéficier de ses droits. Pour certains métiers pénibles, c’est une respiration ; pour d’autres, une façon d’équilibrer vie personnelle et professionnelle. Elle correspond aussi à une réalité démographique : l’espérance de vie en bonne santé s’allonge, mais reste marquée par des inégalités sociales. Offrir des solutions souples permet de mieux répondre à cette diversité de situations, en évitant une sortie brutale du marché du travail.
Qui peut en bénéficier ?
Les règles restent globalement inchangées :
- Âge minimum : 60 ans à partir du 1er septembre 2025.
- Durée d’assurance : avoir validé au moins 150 trimestres tous régimes confondus.
- Accord de l’employeur : nécessaire pour passer à temps partiel, sauf si le salarié l’était déjà.
Le dispositif est ouvert à la plupart des régimes (salariés, commerçants, artisans, fonctionnaires, libéraux, exploitants agricoles), mais avec des limites : certaines pensions complémentaires de professions libérales ne l’intègrent pas encore.
Concrètement, un salarié à temps partiel à 60 % percevra 60 % de son salaire et 40 % de sa pension, en attendant son départ définitif.
Pour l’instant, la retraite progressive reste marginale, mais elle pourrait séduire davantage : le recul de l’âge légal, combiné à l’ouverture à 60 ans, élargit le public potentiel. Selon la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav), des dizaines de milliers de salariés à temps partiel auraient pu en bénéficier par le passé sans le savoir.
Reste à savoir si les entreprises joueront le jeu et sauront s’adapter. Elles peuvent refuser un passage à temps partiel si celui-ci est incompatible avec leur organisation. Certaines grandes entreprises y voient déjà un outil de gestion des fins de carrière, permettant de maintenir les compétences tout en réduisant la masse salariale. D’autres redoutent une complexité supplémentaire. Rappelons aussi qu’à partir de 2026, l’accord ANI fera que les entreprises de plus de 300 salariés devront ouvrir une négociation obligatoire annuelle sur l’emploi des salariés expérimentés. La retraite progressive pourrait alors devenir un levier central dans ces discussions.